Les ateliers jeunes créateurs

admin 2 décembre 2016
Les ateliers jeunes créateurs

Développement national et international

des Ateliers Jeunes Créateurs

En 1997, une classe du Lycée Thomas Edison d’Echirolles, dans la banlieue de Grenoble, envisage de gravir le mont Nevado Koppa, au Pérou. Les organisateurs contactent France 3 Montagne pour proposer à la chaine de réaliser un documentaire sur l’aventure. La rédaction s’apprête à décliner, car l’expédition est longue et aléatoire. Le réalisateur Pierre Beccu, alors en montage à France 3, propose de former les élèves à la caméra tout au long des courses d’entrainement, de façon à ce qu’ils filment eux-mêmes leur expérience une fois au Pérou. Trois lycéens prennent la responsabilité du tournage, tout en s’engageant à prêter régulièrement la caméra à leurs collègues. Le réalisateur reste en France et communique avec les jeunes par l’intermédiaire d’un carnet de bord. Le film final, d’une durée de 52 minutes, entièrement tourné par les élèves, est diffusé sur France 3 en national.

Cette expérience marque le début de plus de quinze ans d’ateliers jeunes créateurs. Petit à petit, le procédé et la philosophie se sont affinés.

Depuis quelques années, la médiation des ateliers se fait au niveau international.

Depuis 2010, le festival Ciak Junior, à Trevise dans le Nord de l’Italie, nous a demandé de représenter la France. Ce festival de films faits avec les enfants et les jeunes regroupe une quinzaine de pays. Nous y avons montré nos films mais également ceux de l’association 1000 Visages, qui travaille en région parisienne.

En 2012, nous avons participé avec un court-métrage réalisé par des jeunes de l’Institut Médico Educatif Chalet Saint André de Megève : « Derrière l’écran ». C’est un film où les acteurs ne veulent pas être filmés. Ils racontent l’histoire en restant derrière l’écran. Deux amis aiment la même fille…

Nous sommes en train de développer des partenariats avec certains des pays représentés à Ciak Junior et d’autres institutions françaises. Le but est de faire évoluer le principe des ateliers vers un véritable procédé déposé et reconnu pédagogiquement.

Le rapport des jeunes aux techniques numériques, les enjeux du vivre ensemble, et la difficulté croissante pour les enseignements classiques de renouveler l’envie d’apprendre chez le plus grand nombre, nous placent devant une sorte d’évidence. Nous sommes capables de répondre avec des pratiques et des outils modernes aux appels du désir que la jeunesse exprime.

 

De la fascination de voir des images au désir de fabriquer des récits.

Par le cinéma, la jeunesse prend la parole sur des thèmes citoyens, et construit son avenir.

 

Le procédé :

Les enfants et les jeunes fabriquent un récit cinématographique de A à Z, dans une démarche artistique rigoureuse et ouverte sur le monde, épaulés par des professionnels et leurs référents pédagogiques habituels.

La capacité de création individuelle est mise au service du collectif. La légitimité de l’expression stimule l’appétit de perception et de réflexion. Tout le processus de la transmission du savoir est revigoré par l’art, la technique audiovisuelle et la médiation numérique.

Les enfants et les jeunes deviennent auteurs et acteurs de leur rapport au monde passé, présent et surtout à construire.

Quatre thématiques reviennent régulièrement :

  • La différence et la cohésion sociale
  • L’éducation à l’environnement
  • La mémoire des conflits, la mémoire des atteintes à l’humanité que génèrent les conflits
  • La relation entre alimentation et territoire

 

A l’occasion de la Xe édition du festival Pastoralismes et Grands Espaces des 7 Laux, des élèves de trois lycées agricoles se regroupent pour constituer un jury jeunes. Pierre Beccu les invite à réaliser un documentaire pendant la durée du festival, sur la base des films visionnés et des rencontres avec les différentes délégations. En une vingtaine de minutes, « Pastoralisme d’ici et là-bas » tisse un lien entre les différentes pratiques du pastoralisme dans le monde, et au-delà propose un bel espace de rencontres entre les différentes cultures, partant de la relation entre l’homme, l’animal et le milieu naturel.

 

IMPORTANT :

Nous intervenons sur des groupes déjà constitués : la classe entière, un groupe de centre social, de MJC. Il n’y a pas de « casting » ou de sélection préalable. Le but est au contraire d’emmener tout le groupe ensemble jusqu’au bout. Si chacun se sent légitime et comprend qu’il a un rôle à jouer, la répartition des postes et la spécialisation interviennent d’une façon assumée et non subie. Nous veillons à ce qu’aucun membre du groupe ne se sente exclu. Il nous arrive de travailler sur des projets d’établissements regroupant une centaine d’enfants, et tous peuvent revendiquer au final leur apport dans le projet.

 

PAR LES ENFANTS ET LES JEUNES

Et non AVEC ou POUR les enfants et les jeunes.

Le langage cinématographique, l’enjeu citoyen et la transmission des savoirs.

LA JEUNESSE EST SAISIE

par la vitesse, la violence sensorielle des représentations par l’image, par l’omniprésence et la multiplicité des écrans.

Nous proposons un renversement du saisissement.

LA JEUNESSE SE SAISIT

des outils théoriques et pratiques pour passer du statut de spectateur pétrifié à celui d’artisan qui pétrit.

 

Les outils sont posés là, disponibles, prêts à l’emploi.

La consigne n’est pas : « ne touche pas, tu vas te faire mal, ou tu vas mal faire », ou encore « regarde cet outil, il est fascinant n’est-ce pas, je vais t’expliquer à quoi il sert et comment je m’en sers bien, et puis tu pourras me féliciter. »

Non, le principe ici, c’est « prends cet outil, respecte quelques consignes pour ne pas te faire mal avec ou pour ne pas le casser. Et découvre toi-même comment t’en servir et à quoi il sert. Il n’y a pas d’erreurs, il n’y a que des tentatives. Nous échangerons ensuite tous ensemble, et nous verrons comment raconter notre histoire avec ces outils ».

  • Chaque module est unique. Nous inventons ensemble à chaque fois le film à faire.
  • Le procédé est clairement établi.
  • Aboutir chaque phase avant de passer à la suite.
  • Le tournage n’est possible que quand le film existe clairement dans les têtes.
  • Mettre des mots sur les images, mettre des images sur les mots.

 

FABRIQUER ET APPRENDRE ENSEMBLE

Comment changer de point de vue sur soi et sur le monde

En 2011, nous démarrons un projet avec le groupe théâtre d’un collège. Le groupe fonctionne ensemble depuis plusieurs années, épaulés par des professeurs de français très motivés. Les élèves et les encadrants ont choisi de travailler sur le thème de la différence et du regard de l’autre. Rapidement, lors des premières séances d’écriture, les élèves produisent des textes très volumineux, qui s’apparentent d’une façon plus ou moins fine à des rôles taillés sur mesure pour les acteurs qu’ils sont. Que faire face à cette attitude parfaitement naturelle au demeurant ? Les laisser se faire plaisir, au risque d’aboutir à un résultat totalement indigeste, et finalement désastreux sur le plan pédagogique ? Les censurer, ce qui aurait pour effet de leur ôter toute motivation, et de les rendre spectateurs du projet dès lors repris en main par les professeurs et les encadrants ?

Nous aurions pu partir de Bergman ou Resnais, et vérifier que le théâtre sait merveilleusement habiter l’écran de l’épaisseur des passions humaines, en pratiquant l’humilité formelle et l’économie de mots. Il nous aurait fallu 200 heures et nous en avions 50.

Nous avons pris la décision de faire un film sans dialogues, tout en gardant au centre de l’écriture la problématique du regard de l’autre. Comment est-on perçu par l’autre, sur un premier contact physique, uniquement basé sur l’apparence ? Quelles ont les conséquences psychologiques lorsque ce premier regard se transforme en jugement péremptoire, qui consiste à désirer fortement ou repousser violemment ? Le jeu est beau mais cruel, si nous jugeons nous devons accepter d’être jugé, et quel en est le prix ? Quel place avons-nous « aux yeux » de l’autre, lorsqu’il nous juge sur le paraître et néglige notre être ?

Nous avons quitté le pré carré de la certitude rassurante des dialogues qui disent tout et trop, pour entrer dans la forêt sauvage des apparences, des faux-semblants, des fantasmes et des désirs. Dans le film des jeunes, les personnages changent mystérieusement d’apparence en mangeant des baies de houx, celles dont on fait les bois fameux, les célèbres « holly wood ».

Au lieu d’essayer de surpasser le voisin en quantité de texte ou en intensité émotionnelle, les élèves se sont mis à imaginer les circulations des corps dans cette forêt à construire qui était au départ le parc du collège. Caméra en main, ils ont joué avec les arbres, avec les déplacements, les croisements, les disparitions, les apparitions et ont inventé eux-mêmes la chorégraphie des désirs et des pulsions. Puis, après quelques séances, nous sommes allés en forêt régler les mouvements entièrement avec une caméra amateur, en plaçant des repères avec des bouts de laine de couleur, comme pour un parcours d’orientation. Nous avons sollicité les services d’un opérateur steadycam pour le tournage, pour avoir un rendu à l’image le plus propre possible. Le film a été tourné en deux petites journées, sur les bases très exactes de ce qu’avaient réglé les élèves auparavant. La bande son a été confiée à deux jeunes musiciens talentueux en fin d’études.

 

Les collégiens sont les passeurs de la mémoire locale sur la seconde guerre mondiale.

Les Bauges, en Savoie, et la Vallée Verte en Haute-Savoie, sont deux massifs qui ont vécu intensément la seconde guerre mondiale, mais qui n’avaient au début des années 2000 livré aucune mémoire filmée de cette période, sans doute par humilité, dans l’ombre des Glières ou du Vercors. Ces montagnes ont pourtant accueilli des maquis importants, permis de cacher de nombreuses familles juives, et malheureusement, connu des tragédies marquantes au moment des incursions nazies.

Nous avons accompagné les deux collèges de ces vallées alpines dans un travail de collecte et de transmission de la mémoire des témoins directs de cette période. Pendant un an et demi, 160 adolescents ont travaillé sans relâche, de chaque côté du lac d’Annecy, dans le temps scolaire et en dehors, pour faire aboutir leur projet. Les témoins sont leurs grands-parents, arrière-grands-parents, voisins. Pour la plupart, ils n’avaient jamais parlé. Avant, c’était trop tôt, et maintenant, il est déjà trop tard. Plus que quiconque, les jeunes étaient légitimes pour faire ce film. Ils peuvent désormais mettre des récits derrière les plaques. Ils ont énormément appris, et savent maintenant pourquoi il est important de se souvenir.

Le professeur documentaliste, les enseignants d’histoire et géographie, de français, d’arts plastiques, de musique – et sur le collège de Boëge de savoyard – ont activement participé.

 

Les petits montagnards reprennent ensemble le chemin de la montagne

Dans les classes primaires du massif du Mont-Blanc, Servoz et Combloux, les enfants connaissent et pratiquent la montagne, mais à des degrés divers.

Certains la connaissent surtout en hiver à travers le ski. D’autres la connaissent mal, par manque de moyens financiers de la part des parents, ou par manque d’intérêt tout simplement.  Quelques élèves la vivent l’été avec leurs parents ou grands-parents dans la pratique pastorale. Ces inégalités dans le rapport à la montagne, ne paraissent pas aggravantes pour bien réussir à l’école, mais elles compliquent le rapport collectif que ces futurs adultes devront mettre en place avec un milieu naturel fragile, qu’ils devront partager dans un équilibre entre travail, loisir, aménagement, sauvegarde et prérennité de la bio-diversité.

Au-delà du regard sur la montagne, le projet a servi aussi à rebattre les cartes des hiérarchies de la classe, à voir revenir vers l’école les parents sans stress, et  aussi à revisiter le regard des uns sur les autres.

Du côté de Servoz, le projet a été mis au centre de l’année d’apprentissage. Chaque élève a produit au final un carnet de bord très complet.

 

Que met-on dans la cohésion sociale ?

Lycée des Cordeliers – Cluses. Difficile de parler de cohésion sociale sans parler de diversité, et même de différence. La différence, est-ce bien ou mal ? La diversité c’est bien, mais marquer la différence, la souligner ou la stigmatiser c’est plus discutable. Au lieu de venir avec une boite à outils de type Mako Moulage « cohésion sociale et intégration », nous avons, avec Camille Marchand, enseignante en Arts Appliqués, commencé par écouter les élèves.

Dans cette classe, les professeurs ont détecté de sérieux problèmes de motivation pour les études. La restitution de la parole qui a circulé en petits groupes donne lieu à une mosaïque très intéressante, à une complémentarité totalement inespérée au départ. Au lieu de choisir un projet au détriment des autres, nous décidons de bâtir un récit global dans lequel vont venir s’enchâsser les séquences courtes, avec un fil rouge où deux personnages errent dans les espaces communs du lycée dans une quête assez philosophique. La différence :  force ou faiblesse, chacun pourra juger, à condition de bien « faire » soi-même la différence, et de ne pas laisser les autres nous imposer une vision manichéenne.

 

Le fait alimentaire

Six étudiants enquêtent sur l’alimentation. Ils remontent la filière des aliments et étudient les impacts de nos choix de consommateurs sur le territoire.

Tout part d’un atelier réalisé par des étudiants en géographie et ingénierie d’espace rural, dans le cadre d’un « projet professionnel » et que nous avons fait évoluer vers un documentaire grand public pour la télévision (« les pieds dans le plat ») et qui sortira bientôt en salles en version 90 minutes (« Regards sur nos assiettes »).

La question est posée ainsi dans le film: « Est-ce qu’un pays qui connaît un fort développement économique et touristique peut aussi se nourrir lui-même ? »

Nous montrons des expériences de production et de distribution viables économiquement et qui vont dans le sens d’une valorisation globale du territoire et de ses acteurs.

Le thème de l’alimentation est très présent dans les médias et les productions documentaires. Quelle était la place et la légitimité des étudiants vis à vis de cette offre audiovisuelle pléthorique ?

Les oeuvres ou les produits audiovisuels qui traitent de la question de l’alimentation émanent en général de trois catégories :

  • le film militant
  • le reportage enquête journalistique
  • le film institutionnel

Ici, l’approche est radicalement différente. L’enquête est menée par les étudiants, qui découvrent d’une façon spontanée l’envers de l’assiette. Il s’agit d’un documentaire de création qui entend sensibiliser d’une façon responsable et souvent drôle toutes les générations, et plus particulièrement les jeunes. Si point de vue il y a, il se fait « chemin faisant », au gré des rencontres et des découvertes. Les jeunes ont naturellement trouvé leur légitimité dans la sincérité de leur approche et leur absence de préjugés.

En dehors de la fraicheur du ton, non négligeable sur une thématique saturée par l’anxiogène, cela permet également parler de tous les impacts qui sont en jeu dans la relation entre alimentation et territoire, impacts sanitaires bien entendu, mais aussi environnementaux, économiques, sociaux et culturels.

 

 

Produire de la ressource.

L’objectif n’est pas de s’adresser en permanence au grand public, mais de donner une diffusion à la mesure de l’aboutissement des projets. Les étudiants de l’IER avaient en main une problématique et une approche formelle parfaitement digne de s’adresser au grand public, voire même de régénérer les approches sur la thématique.

 

Le partage de l’école du temps comme 1ère pierre de la construction de l’école de demain.

En 2013, les cinq communes de la haute vallée des Bauges ont fermé pour regrouper tous les enfants dans une école neuve sur la commune de… Ecole en Bauges.

Nous avons accompagné ce moment important pour la collectivité avec un projet artistique qui associe la population au processus de création et de médiation numérique.

Le groupe scolaire relie les écoles géographiquement, et les supprime de l’espace des communes. Les habitants voient, observent, mais n’ont rien à faire, pensent-ils. Et leur école à eux ? Et leur histoire ? Pourquoi ne pas construire virtuellement avec les outils numériques modernes une école de demain qui soit le partage de l’école que chacun porte en soi ?

Ensemble, en réunissant toutes les générations, les élèves, les enseignants, le cinéaste et les habitants relient les écoles dans le temps. Ensemble, ils construirent une oeuvre multimédia, le groupe scolaire du temps. Avant de mettre la clé sous la porte, ils ont redessiné le chemin de l’école pour tous. Ouvert les fenêtres en grand, fait circuler le courant d’air des idées.